Recommandations techniques

Déployer une station de mesures du niveau de mer ne s'improvise pas. Découvrez les spécifications générales d'une station de surveillance marégraphique.

Spécifications générales d'une station de surveillance marégraphique

Une station marégraphique ou station de surveillance du niveau de la mer doit permettre de suivre, en continu et sur une échelle de temps de plusieurs années, les variations du niveau de la mer, à différentes fréquences. Elle est constituée : d'un capteur mesurant en permanence le niveau de l’eau ; une armoire électronique contenant une centrale d’acquisition chargée d’échantillonner et de router les informations transmises par le capteur vers les différents moyens de transmission de la donnée ; des moyens de transmission : Internet, satellite. Des capteurs additionnels peuvent être adjoints à la station, notamment un récepteur GNSS permettant de détecter les mouvements verticaux du sol sur lequel repose la station, ainsi que des capteurs météorologiques. Afin de pouvoir répondre à plusieurs applications, le choix du site, le mode de mesure, le pas d’échantillonnage et les moyens de transmission doivent être choisis avec soin.

Schéma 1. Exemple d'installation d'une station marégraphique
Schéma 1. Exemple d'installation d'une station marégraphique

Quelles applications pour un observatoire marégraphiques ?

 Les exigences ci-dessous sont celles choisies par le Shom pour l’implantation des marégraphes de son réseau RONIM, elles permettent de valoriser les données acquises pour répondre aux besoins suivants :

  • Amélioration de la connaissance de la marée : amélioration des prédictions de marée et suivi en temps réel du niveau d’eau pour assurer la sécurité de la navigation.
  • Détection et études des niveaux d’eau anormaux : ondes de tempêtes, surcote atmosphérique ou tsunami d’origine sismiques. Une station de surveillance marégraphique servira à détecter et mesurer le phénomène, et à plus long terme à caractériser les périodes de retour des niveaux extrêmes sur un littoral et de quantifier les effets liés au changement climatique avec l'évolution du niveau moyen des mers.
     

Choix du site

Pour ces différentes utilisations de la mesure, le choix du site d’implantation du marégraphe est primordial. Les critères à remplir pour un site adapté sont les suivants :

  • Hors zone estuarienne
  • Sans courant violent
  • Éloigné d’une écluse où d’une retenue d’eau artificielle susceptible d’être vidangée
  • Le capteur doit pouvoir mesurer le cycle complet de la marée, du niveau des plus basses mers astronomiques au niveau des plus hautes mers astronomiques (marée exceptionnelle d’équinoxe). Cela signifie que les fonds sous le capteur ne doivent jamais être découverts à marée basse (voir plus loin le chapitre « Installation »)
  • Le capteur doit être situé suffisamment haut pour ne pas être submergé en cas d’événement extrême. Si les hauteurs extrêmes sont connues sur le site il faut s’y référer, si elles ne sont pas connues, une marge conséquente doit être ajoutée au niveau maximal de pleine mer.

 

Les autres instruments électroniques doivent également être mis hors de portée d’un événement de submersion.

 

D’autres critères doivent être pris en compte en fonction du besoin et des moyens :

  • Présence à proximité de raccordement électrique. Faute de quoi la station devra fonctionner sur des moyens énergétiques autonomes, panneaux solaires et batteries, qui rendront l’installation moins robuste
  • Présence à proximité de ligne téléphonique pour transmettre les données en temps réel. A défaut, un réseau GPRS de bonne qualité est suffisant. Pour des sites isolés, il est possible d’envisager une liaison par réseau satellitaire de type Iridium moyennant toutefois un abonnement onéreux. Sans liaison de ce type, la station peut néanmoins transmettre ses données (voir plus loin) mais il n’ est pas possible d’interroger la station pour des requêtes particulières (liaison ascendante mais non descendante)
  • Site protégé des vagues et du clapot. Ce dernier critère dépend du besoin de mesure. Historiquement, les marégraphes ont cherché à se protéger de l’influence des vagues qui constituaient un bruit de mesure. De plus en plus, ces signaux très hautes fréquences intéressent les scientifiques ou les responsables locaux qui cherchent à mesurer l’effet des vagues en plus des variations du niveau moyen. Un site exposé aux vagues produira un signal plus complexe qui demandera des traitements adaptés pour extraire les différents niveaux.
     

Installation

Deux types d’installation caractérisent un observatoire du niveau de la mer : une installation dite « à l’air libre » et une installation « en puits de tranquillisation ». Le choix de l’une ou de l’autre est fonction de la géographie du lieu retenu et des événements que l’on souhaite observer prioritairement (voir plus haut « Choix du site »). Le capteur et l’armoire contenant l’électronique de communication peuvent être légèrement délocalisés. Lorsque des bâtiments existent à proximité, une implantation de l’armoire à l’intérieur sera préférable afin d’éviter de l’exposer inutilement.

Avantages : Il s’agit de l’installation la plus légère. Le capteur radar est fixé à une potence au-dessus de la surface de l’eau. Il peut également être installé sur une structure existante comme un tablier de pont. L’absence de tube simplifie l’installation et la maintenance. Le quai n’a pas besoin d’être parfaitement vertical. Aucun filtrage mécanique n’étant présent il est possible d’enregistrer les signaux très hautes fréquences (vagues, clapot).

Inconvénients : Si le tirant d’air entre le capteur et la surface de l’eau est trop important (cas des zones de très grand marnage) le cône d’émission du radar va rencontrer le quai ce qui perturbera la mesure. Une étude doit être menée en fonction du tirant d’air maximal et de la directivité du radar afin de déterminer la longueur de la potence. Une potence trop importante risque d’être moins rigide. Des objets peuvent en outre venir s’interposer entre le capteur et la surface (bateaux notamment). Le signal enregistré présente un bruit plus important dû aux vagues.

Schéma 2. Capteur radar à "air libre" sur potence
Schéma 2. Capteur radar à "air libre" sur potence

Avantages : Le puits de tranquillisation agit comme un filtre mécanique sur la mesure et permet d’éliminer les mouvements du plan d’eau liés à une agitation locale temporaire. L’onde radar est guidée dans le tube ce qui rend possible une installation sur un quai de grande hauteur. Aucun obstacle n’est susceptible de venir s’interposer.

Inconvénients : C’est une installation plus lourde, le tube devant être fixé sur toute la hauteur du quai. Le tube doit être entretenu pour éviter un envasement à sa base qui freinerait le passage de l’eau. L’installation filtre les ondes très hautes fréquences qui peuvent potentiellement présenter un intérêt.

Schéma 3. Capteur radar installé dans un puits tranquillisation
Schéma 3.Capteur radar installé dans un puits tranquillisation

Règles d'installation

 L’installation du capteur doit veiller aux points suivants :

  • Quai non découvrant à marée basse. De l’eau en contact avec le large doit être présente au droit du quai même aux basses mers d’équinoxe. Faute de quoi, le capteur radar mesurera la hauteur du fond et non la hauteur d’eau.
  • Le fruit du quai doit être pris en compte en calculant la longueur du bras de la potence afin de s’assurer que le radar n’illumine que la surface de l’eau et jamais le quai.
     
Schéma 4. Installation marégraphique correcte quai droit, mesures à pleine mer et basse mer
Schéma 4. Installation marégraphique correcte quai droit, mesures à pleine mer et basse mer
Schéma 5. Cette installation ne permet pas la mesure à marée basse
Schéma 5. Cette installation ne permet pas la mesure à marée basse
Schéma 7. Le bras de la potence et le fruit du quai ne permettent pas la mesure à marée basse
Schéma 7. Le bras de la potence et le fruit du quai ne permettent pas la mesure à marée basse
Schéma 6. Cette installation ne permet pas la mesure à marée basse
Schéma 6. Cette installation ne permet pas la mesure à marée basse

Élèments caractérisant la station marégraphique

La station marégraphique est alimentée en permanence sur le réseau électrique aux normes en vigueur. A défaut, elle sera alimentée par panneaux solaires de manière à être autonome en énergie.

Une batterie et un chargeur dimensionnés pour garantir au moins 5 jours continus de fonctionnement de l’ensemble des systèmes en cas de défaillance du réseau d’alimentation principal est indispensable.

Dans la mesure du possible, deux capteurs de niveau d’eau seront installés :

  • Un capteur de technologie radar, dont la gamme de mesure couvre l’amplitude de la marée, la fréquence permette des mesures à la seconde et dont l’exactitude soit meilleure que le demi-centimètre
  • Un capteur de pression différentielle placée sous le niveau des plus basses mers astronomiques.

Le capteur radar est le capteur principal de la station. On privilégiera dans les deux cas les mesures numériques aux mesures analogiques. Un capteur de pression atmosphérique voire une station météorologique (petit capteur intégrant anémomètre, girouette, ...) peut utilement compléter la station.

Le capteur de niveau principal, radar, doit être rattaché au niveau vertical de référence à partir de repères pérennes à proximité. Un nivellement précis garantira l’exactitude des mesures. La station d’observation du niveau de la mer pourra êt re complétée d’une station d’observation des mouvements terrestres (station GNSS).

Les capteurs de l’observatoire du niveau de la mer sont reliés à une centrale dont le rôle est de gérer l’acquisition des données, leur formatage, leur archivage et leur transmission. La centrale est également le moyen d’accès à distance de la station pour les opérateurs.

La centrale doit répondre aux besoins minimaux suivants :

  • Intervalle de mesure : 1 seconde
  • Les mesures sont moyennées sur une plage de 15 secondes toutes les minutes autour de la minute ronde (voir figure ci-dessous).
Schéma explicatif sur les mesures moyennées

Tc : Cadence de mesure ou période d’archivage (1 minute) ; ta : date d’archivage. L’archivage de la mesure moyennée est effectué à la fin de l’intégration (Ti) mais la datation de la mesure mo yennée s’effectue à une date correspondant au milieu de la durée d’intégration Ti, soit ta ; Ti : durée d’intégration de la mesure (15 secondes)

 

  • La centrale est mise à l’heure par GPS
  • La centrale d’acquisition génère des alarmes vers l’opérateur en cas de fonctionnement non nominal (absence de réponse d’un capteur, dépas sement de seuil, tension batterie trop faible, etc)
  • Les données sont archivées dans la centrale sur un support permettant de sauvegarder au moins 6 mois de mesures à la minute
  • La centrale génère, à partir des données moyennées, un message au format (CREX ou SHEF) correspondant à la transmission satellite (voir paragraphe suivant)
     

 La centrale doit être capable d’échantillonner la donnée issue du capteur radar, a minima aux pas de temps suivants :

  • Un pas de temps à la seconde pour les événements de type tsunami ou météo tsunami
  • Un pas de temps à la minute pour les évènements de type submersion, associé ou non à des phénomènes fluviaux
  • Un pas de temps à 10 minutes (ou à la minute) pour la marée
     

Dans la mesure du possible, deux moyens de transmission redondants seront installés : internet et satellite. La station dispose donc d’un routeur connecté sur le réseau internet d’un opérateur téléphonique répondant aux normes en vigueur. Cette connexion selon le site d’implantation pourra être filaire (ADSL) ou non (GPRS). Les données à la minute sont transmises en temps réel ou légèrement différé via internet. A défaut, une solution de transmission hertzienne peut être envisagée.

La redondance de la transmission par satellite permet de pallier aux interruptions de transmission par les réseaux téléphoniques usuels, lors des évènements extrêmes notamment. Les données transmises sur le satellite METEOSAT ou GOES, sont à un format spécifique qui doit être géré par la centrale. L’intervalle de transmission sur le satellite est de 6min. L’antenne de transmission doit être suffisamment robuste pour une installation en milieu hostile (humidité, sel, vent, ...).

Un outil informatique dédié permet l’accès à distance à la centrale via la connexion internet. Il offre à l’opérateur tous les outils nécessaires à la supervision du système et à l’exploitation des données issues des différents capteurs. Il permet notamment de visualiser les données en temps réel ou quasi-réel, de détecter les anomalies éventuelles (liées aux instruments ou à la mesure), de recevoir des alarmes, ...